L’apparition de la vie, mode d’emploi

Introduction

La vie est-elle un phénomène largement répandu dans l’univers, ou bien exceptionnel, voire unique ? Avant d’aller plus loin, il convient de se poser au préalable une question basique : Qu’est-ce que la vie ? Si l’on considère les formes de vie présentes aujourd’hui sur Terre, la plus petite unité du vivant est la cellule. La cellule est aussi l’élément de base fonctionnel et structurel des tissus et des organes des êtres vivants complexes. Une cellule vivante est constituée d’une membrane qui sépare l’intérieur de l’extérieur, et qui peut laisser passer des nutriments en entrée, et des déchets en sortie. Elle possède un métabolisme, c’est-à-dire un ensemble de réactions physico-chimiques qui lui permettent de se maintenir dans son environnement. Elle est capable de se reproduire identiquement à elle-même. Elle possède un génome, c’est-à-dire un système physico-chimique qui contient toute l’information nécessaire au fonctionnement de la cellule et à sa reproduction[1].

La vie est un produit de l’évolution stellaire. Nous sommes faits de poussières d’étoiles selon le mot d’Hubert Reeves : les éléments dont notre environnement et nous-mêmes sommes constitués ont été fabriqués par d’anciennes générations d’étoiles[2]. La naissance des étoiles s’accompagne de la formation de systèmes planétaires autour d’elles et au cours de l’évolution planétaire l’émergence de la vie est sans nul doute un processus inévitable dès lors que certaines conditions sont réunies ; mais comme nous ne connaissons qu’un seul exemple, le nôtre, nous ne pouvons pas dire pas lesquelles. On peut cependant identifier certains ingrédients qui semblent indispensables à l’émergence de la vie.

Quels ingrédients ?

D’abord il faut de l’eau liquide présente en surface pendant de longues périodes. L’eau (H2O) est la molécule la plus répandue dans l’univers et c’est le solvant le plus efficace. Bien que l’eau liquide ne soit pas thermodynamiquement stable à la surface de la Terre puisqu’elle s’évapore, un mécanisme dynamique entre la surface et l’atmosphère fait que l’eau qui s’évapore ici retombe là sous forme de précipitations ; ce cycle de l’eau permet à l’eau liquide de rester présente en surface pendant de longues périodes.

Un autre ingrédient indispensable est la matière organique, c’est-à-dire la chimie du carbone. Grâce à sa configuration électronique l’atome de carbone peut établir des liaisons simples, doubles et triples avec d’autres éléments ; en particulier, il peut établir 4 liaisons simples orientées vers les sommets d’un tétraèdre dont il occupe le centre.

La chimie du carbone est très riche et les composés carbonés sont très abondants dans le milieu interstellaire ainsi que dans les petits corps, comètes et astéroïdes, résidus de la formation du système solaire et reliques de la matière primitive. Cette chimie du carbone permet de construire des molécules complexes telles que les protéines qui contribuent à la structure de l’édifice cellulaire et à son métabolisme, et les acides nucléiques ARN et ADN, vecteurs de l’information nécessaire au fonctionnement de la machinerie cellulaire et à sa réplication. On avait jadis imaginé une vie basée sur le silicium, dont le cortège atomique ressemble beaucoup à celui du carbone, mais bien que le silicium soit un élément également très abondant dans la matière interstellaire et les corps primitifs, sa chimie est assez pauvre et le silicium est presque exclusivement présent sous forme de silicates[3].

Un troisième ingrédient est une source d’énergie. Certains organismes comme les plantes tirent directement leur énergie du rayonnement solaire grâce au processus de photosynthèse. D’autres de réactions chimiques de type oxydo-réduction à partir des nutriments, organiques ou minéraux, qu’ils prélèvent dans leur environnement : les animaux et nous-mêmes réalisons ces réactions en consommant de l’oxygène (la combustion du glucose dans nos cellules produit de l’énergie et rejette du gaz carbonique et de l’eau), alors que d’autres organismes tels ceux vivant près des sources hydrothermales des régions volcaniques ou des fonds océaniques utilisent le soufre à la place de l’oxygène.

Nous allons successivement aborder 3 questions :

(1) Quand et comment la vie est-elle apparue sur Terre ?

(2) La vie est-elle apparue ailleurs dans le système solaire (et si oui, y est-elle encore présente) ?

(3) La vie existe-t-elle ailleurs dans l’univers ?

Quand et comment la vie est-elle apparue sur Terre ?

La figure ci-dessus est une version très simplifiée de l’arbre généalogique de la vie terrestre. On distingue aujourd’hui les cellules sans noyaux (organismes dits procaryotes), avec deux groupes, les bactéries et les archées, et les cellules avec noyau (organismes dits eucaryotes) ; les organismes eucaryotes comprennent les animaux, les plantes, les champignons et les protistes[4]. A la racine de cet arbre on postule l’existence d’un ancêtre commun à toutes les formes de vie aujourd’hui présentes sur Terre, qu’on appelle LUCA (Last Universal Common Ancestor). Mais celui-ci n’est pas le plus vieil organisme vivant ayant jamais existé, il est lui-même le produit d’une longue évolution physico-chimique. La vie telle que nous la connaissons n’est pas apparue soudain à partir de la matière inanimée, il y a eu des étapes, peut-être des voies sans issue, ou encore à plusieurs reprises des extinctions et de nouveaux départs. Des édifices moléculaires présentant certains aspects du vivant ont pu apparaître ici ou là, les uns ont disparu tandis que d’autres se sont complexifiés. On peut imaginer un arbre évolutif dont seule la branche conduisant à LUCA s’est perpétuée alors les autres n’ont pas eu de descendance. De ces processus qu’on appelle prébiotiques, nous ne savons rien et ne pouvons que formuler des hypothèses.

On a parlé plus haut des ingrédients nécessaires à l’émergence de la vie. D’où vient l’eau de la Terre ? Il y a eu un apport interne provenant du dégazage du magma primitif puis du volcanisme, et un apport externe par les astéroïdes et des comètes qui ont bombardé la jeune Terre durant les 500 premiers millions d’années de son existence. Ensuite, d’où vient la matière organique terrestre ? On dispose là de deux hypothèses. La première est celle de la « soupe primitive », la seconde celle de l’origine extra-terrestre, dans le milieu interstellaire et la nébuleuse proto-solaire.

La soupe primitive

L’hypothèse de la soupe primitive a été formulée indépendamment dans les années 1920 par le russe Oparine et l’anglais Haldane. Elle suppose que les structures prébiotiques précédant l’apparition de cellules véritables se seraient assemblées dans les océans à partir de molécules organiques dissoutes ; celles-ci auraient été formées à partir de molécules simples présentes dans l’atmosphère primitive de la Terre. Cette hypothèse a été popularisée par la fameuse expérience de Miller et Urey (1952).

Dans cette expérience (voir figure ci-dessus), un ballon d’eau chauffé représente l’océan primitif, qui était beaucoup plus chaud que l’océan d’aujourd’hui ; cet océan est surmonté d’une atmosphère de vapeur d’eau, de méthane CH4, d’ammoniac NH3 et d’hydrogène H2 censée représenter l’atmosphère primitive ; des décharges électriques figurent des orages. Au bout d’un certain temps, l’eau du ballon se charge de composés organiques simples, dont de nombreux acides aminés, qui sont les briques de base des protéines.

Cette expérience a eu un énorme retentissement. Elle a par la suite été reprise et modifiée : par exemple, les décharges électriques ont été remplacées par une irradiation de lumière ultraviolette[5], avec des résultats similaires. Un peu plus tard, l’expérience de Oro (1962), à partir d’un montage analogue avec une atmosphère constituée d’acide cyanhydrique HCN, d’ammoniac et de vapeur d’eau, obtenait la formation de bases azotées qui sont les briques de base des acides nucléiques.

Oui, mais l’expérience de Miller pose deux problèmes. D’abord, l’atmosphère primitive de la Terre n’était pas celle-là ; le carbone y était présent sous forme de dioxyde de carbone CO2 et non de méthane, et l’azote sous forme de diazote N2 et non d’ammoniac, et il n’y avait pas ou plus guère d’hydrogène.

Ensuite, elle ne résout pas la question de la chiralité.

La question de la chiralité

Rappelons d’abord ce qu’est la chiralité.

 Les molécules organiques possédant un atome de carbone lié à 4 atomes ou groupes d’atomes différents existent sous deux formes symétriques l’une de l’autre dans un miroir comme le sont une main droite et une main gauche. Ces deux formes, si on les met en solution, ont la particularité de faire tourner le plan de polarisation d’un faisceau de lumière polarisée soit vers la gauche soit vers la droite. On les caractérise par les lettres L (lévogyre) et D (dextrogyre). Ces deux formes, ou énantiomères, sont également stables et peuvent même se transformer de l’une en l’autre : une solution d’une seule des 2 formes évolue spontanément, au bout d’un certain temps, vers un mélange où les 2 formes existent en égale quantité. Mais le vivant fait la différence : tous les acides aminés des protéines des organismes vivants terrestres sont de type L, alors que les sucres sont de type D[6]. Or l’expérience de Miller produit des acides aminés L et D en égales proportions.

L’hypothèse extraterrestre

L’hypothèse extra-terrestre quant à elle postule que les molécules organiques fondamentales du vivant, notamment les acides aminés et les bases azotées qui sont les briques des protéines et des acides nucléiques respectivement, sont synthétisées dans le milieu interstellaire et la nébuleuse proto-solaire. A l’appui de cette thèse, on observe d’abord que les nuages de gaz et de poussières au sein desquels naissent les étoiles sont constitués de gaz (H2), de grains de poussière (silicates), et de grains de glace constitués d’eau H2O, de monoxyde de carbone CO, d’ammoniac NH3, et de molécules organiques simples telles que l’acide formique HCOOH, l’aldéhyde formique H2CO, la formamide HCONH2, le méthanol CH3OH, ainsi que des hydrocarbures aromatiques polycycliques.

On observe ensuite que les petits corps du système solaire (astéroïdes et comètes), reliquats de sa formation à partir de la nébuleuse proto-solaire, contiennent effectivement les molécules organiques plus complexes qui sont les briques du vivant. Considérons deux exemples : les astéroïdes, via la météorite de Murchison, et les comètes, avec la mission spatiale Rosetta.

L’astéroïde Ryugu vu par la sonde japonaise
Hayabusa 2 (crédit : JAXA)

La météorite de Murchison, tombée en Australie en 1969, est de type chondrite carbonée[7]. Le corps auquel elle a été arrachée est donc de type très primitif, ayant peu évolué depuis sa formation[8]. On y a relevé la présence d’acides aminés, avec un excès de l’isomère L (de l’ordre du %), des porphyrines, des bases azotées, des sulfures (notamment du sulfure de fer FeS), et de l’eau.

La comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko vue par la sonde européenne Rosetta (crédit : ESA)

La mission ROSETTA de l’ESA (2004-2016)[9] était dédiée à l’étude in situ de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko et notamment de la composition du noyau cométaire. On y a trouvé de l’eau, divers composés volatiles (NH3, CH4, CO2, …), des composés organiques simples (HCH20H, HCHO, HCN, …), des composés soufrés (H2S, SO2, CS2, …), du sulfure de fer, des silicates et des hydrocarbures de masse atomique élevée (chaînes et composés polycycliques).

Pour expliquer l’asymétrie chirale des acides aminés du vivant terrestre, il a été suggéré qu’une synthèse asymétrique, favorisant l’un des énantiomères L ou D, pouvait avoir lieu dans le milieu interstellaire en présence d’une lumière ultraviolette polarisée circulairement comme peuvent émettre certaines étoiles massives dans une région de formation stellaire ; le système solaire se serait formé à proximité d’une telle étoile. A l’appui de cette idée l’expérience suivante a été réalisée[10] : des échantillons d’analogues de glaces du milieu interstellaire (H20, NH3, CH3OH) sont exposés à une lumière ultraviolette polarisée circulairement. On réalise ainsi la synthèse d’acides aminés présentant un excès d’un des deux énantiomères, L ou D selon le sens de polarisation de la lumière, avec un taux de l’ordre du % comparable à ce qu’on peut trouver dans des météorites du type de la météorite de Murchison.

Les premiers indices

Si on ne dispose pas de réponse définitive à la question du « Comment la vie est-elle apparue sur Terre ? », on dispose de quelques éléments pour répondre à la question du « Quand ? ».

Quelques repères temporels :

-4,55 Milliards d’années : formation de la Terre et de la Lune

-4,4 Milliards d’années : formation d’une croûte primitive

-4,2 Milliards d’années : formation des océans

-4,1 à -3,9 Milliards d’années : grand bombardement tardif

-4 Milliards d’années : premières roches granitiques

-3,8 à -3,5 Milliards d’années : premiers organismes vivants (procaryotes)

-3,4 Milliards d’années : apparition de la photosynthèse

-3,2 à -3,5 Milliards d’années : formation des premiers continents

<-2,5 Milliards d’années : apparition des premiers eucaryotes (cellules à noyau)

-2,1 Milliards d’années : organismes pluricellulaires fossiles

-1,6 Milliards d’années : eucaryotes unicellulaires (« acritarches ») fossiles[11]

-540 Millions d’années : « explosion cambrienne« 

La vie, ou plutôt les premières formes de vie cellulaire reconnue, serait apparue entre – 3,8 et -3,4 Milliards d’années, soit peu après le Grand Bombardement Tardif[12]. On a en effet trouvé à Isua, au Groenland, des inclusions de matière organique datées d’il y a plus de 3,7 Milliards d’années présentant une anomalie des abondances relatives des isotopes 13C et 12C du carbone, avec un déficit en 13C . Or si le carbone naturel contient environ 1% de 13C et 99% de 12C, le rapport 13C / 12C est plus faible dans les organismes vivants car le métabolisme cellulaire a une légère préférence pour le 12C. Autre indice, on a trouvé des stromatolithes fossiles âgés de 3,4 milliards d’années à Pilbara en Australie (les stromatolithes sont des empilements de galettes sédimentaires produites par certaines colonies de bactéries ; il s’en forme toujours de nos jours.)

Si l’évolution du vivant a été conditionnée par les évolutions de l’environnement planétaire, les conditions géologiques ou climatiques, en retour l’évolution du vivant a modifié l’évolution de l’environnement de sorte qu’on peut parler de co-évolution. Un exemple majeur est l’enrichissement progressif de l’atmosphère terrestre en oxygène rejeté par les organismes photosynthétiques au cours des premiers milliards d’années. Ou encore les falaises calcaires formées par la sédimentation des coquilles de microorganismes marins pendant des millions d’années ; un très grand nombre de minéraux terrestres sont d’ailleurs un produit de l’activité biologique ; la comparaison ci-dessous entre les planètes telluriques de la diversité de leurs minéraux en est l’illustration.

Les conditions qui ont accompagné l’émergence de la vie terrestre sont très particulières : présence d’un effet dynamo interne et d’un champ magnétique[13] qui crée autour de la Terre une magnétosphère protégeant la surface des flux de particules chargées du vent solaire ; présence d’un gros satellite naturel, la Lune, stabilisant l’angle de l’axe de rotation propre de la Terre sur le plan orbital[14], existence d’une activité tectonique de plaques. On ne sait pas si ces conditions sont nécessaires à l’émergence de la vie; elles sont évidemment suffisantes puisque nous sommes là.

La vie elle apparue ailleurs dans le système solaire (et si oui, y est-elle encore présente) ?

Le cas de Mars

La cible prioritaire est bien évidemment Mars. Mars est aujourd’hui une planète froide et sèche, mais l’eau a coulé jadis à sa surface comme le montre l’existence de réseaux hydrographiques et de delta fluviaux aujourd’hui asséchés ; des indices, par exemple des détails géologiques interprétables comme une ligne de rivage, suggèrent qu’un océan aurait pu recouvrir l’hémisphère nord de la planète ; la sonde européenne Mars Express en orbite autour de Mars depuis 2004 a aussi mis en évidence des minéraux comme des argiles et du gypse qui se forment en présence d’eau[15]. De l’eau est encore présente de nos jours sous forme de glace dans les calottes polaires et dans le sol gelé mais en surface, les conditions de température et de pression interdisent la présence d’eau pure à l’état liquide.

Paysage martien: le cratère Bonneville vu par le robot Spirit (crédit : NASA/JPL)
Mars il y a 4 milliards d’années, vue d’artiste (crédit : ESO/M. Kornmesser)
Osuga valles vu par Mars Express (crédit : ESA/DLR/FU Berlin)
Reull vallis vu par Mars Express (crédit : ESA/DLR/FU Berlin)
Delta dans le cratère Eberswalde vu par Mars Global Surveyor (crédit : NASA/JPL)
Ravines sur Mars observées par Mars Global Surveyor (crédit : NASA/JPL)

A la fin du Grand Bombardement Tardif, vers -3,9 milliards d’années, Mars avait sans doute encore une atmosphère dont la température et la pression permettaient l’existence de grands volumes d’eau liquide en surface. C’est après cette période que la vie est apparue sur Terre et peut-être est-elle aussi apparue sur Mars. Par la suite les bouleversements climatiques qu’a connus Mars avec la perte de son atmosphère et la disparition de l’eau liquide en surface[16] n’auront pas permis à cette vie martienne hypothétique de se développer. Cependant, en considérant la robustesse de la vie terrestre, dont on trouve la présence dans les milieux les plus extrêmes, il n’est pas absurde d’envisager que cette vie martienne, si elle est vraiment apparue, ait pu subsister dans des niches du sous-sol, où des réservoirs d’eau liquide peuvent exister[17].

La détection à plusieurs reprises par Mars Express depuis l’orbite et par le robot Curiosity au sol de bouffées très brèves et très localisées de Méthane a pu donner du crédit à la possibilité d’une vie martienne : en effet sur Terre ce gaz est produit par une activité biologique mais aussi par certains processus géothermiques ; l’origine du méthane martien est encore discutée[18].

La prochaine étape majeure de l’exploration de Mars sera le retour sur Terre d’échantillons soigneusement choisis du sol afin d’être analysés avec des moyens dont ne disposent pas les robots effectuant les investigations in situ.

Les satellites des planètes géantes

L‘étude des satellites des planètes géantes peut permettre de mieux appréhender les conditions propres à favoriser l’apparition de la vie. Deux satellites de Jupiter, Europe et Ganymède, possèderaient sous une croûte de glace un océan salé, maintenu à l’état liquide par la chaleur que produit l’effet de marée dû à l’attraction de Jupiter. Dans le cas d’Europe cet océan pourrait être en contact avec le noyau rocheux de la mini planète ; d’éventuels sites hydrothermaux sous-marins pourraient, selon certains, abriter des formes de vie comme cela est observé sur le fond des océans terrestres.

Les satellites de Jupiter : Io, Europe, Ganymède, Callisto

Quant à Titan, le principal satellite de Jupiter, c’est une sorte de Terre gelée. Sa surface, faite de glace d’eau, montre des rivières et des lacs d’hydrocarbures liquides, principalement du méthane ; il y a sur Titan une météorologie où des pluies de méthane liquide jouent le rôle de l’eau sur Terre ; l’atmosphère, essentiellement constituée de diazote (98,4%)[19] et de méthane (1,6%), est le lieu d’une chimie organique complexe sous l’effet du (faible car distant) rayonnement solaire.

La surface de Titan: le site d’atterrissage
de l’atterrisseur européen Huygens (crédit : ESA)
La surface de Titan: lac de Méthane vu par l’orbiteur
américain Cassini (crédit : NASA)

La vie existe-t-elle ailleurs dans l’univers ?

Depuis la découverte en 1995[20] de la première planète tournant autour d’une étoile de type solaire autre que notre Soleil, la recherche d’exoplanètes s’est intensifiée à l’aide des observatoires astronomiques au sol et dans l’espace, notamment le satellite Kepler de la NASA (2009-2018). A la date du 2 Mars 2022, on a un catalogue de 4980 exoplanètes confirmées dans 3670 systèmes planétaires, dont 813 systèmes abritant plus d’une planète, et la liste ne cesse de s’allonger.

Les exoplanètes confirmées au 02/03/2022 (crédit : Betseg pour Wikimedia)

Une exoplanète habitable, c’est-à-dire susceptible d’abriter la vie, est a priori une planète rocheuse dont les paramètres physiques permettent le maintien durable à sa surface de grandes quantité d’eau liquide. Ce qu’on appelle habituellement la zone habitable d’une l’étoile dépend du type d’étoile, du spectre et de l’intensité de son rayonnement, et de la distance à l’étoile ; dans le système solaire, la Terre se trouve ainsi au milieu de la zone habitable du Soleil, tandis que Mars se trouve sur son bord extérieur et Vénus sur son bord intérieur. Cependant, en plus des paramètres astrophysiques, l’existence d’une atmosphère susceptible d’entretenir par effet de serre des conditions climatiques clémentes est un facteur majeur d’habitabilité[21].

La zone habitable (crédit : http://Techno-science.net)

Les premières exoplanètes détectées étaient des « Jupiter Chauds », c’est-à-dire de très grosses planètes très proches de leur étoile, mais au fur et à mesure que les instruments et les techniques de détection se sont perfectionnées on a pu mettre en évidence des planètes plus petites, dont certaines se trouvent dans la zone habitable de leur étoile, et donc ressemblant de plus en plus à la Terre. De telles exoplanètes ont été détectées non seulement autour d’étoiles de type naine jaune comme notre Soleil, mais aussi d’étoiles de type naine rouge, moins chaudes mais très nombreuses et de très longue durée de vie[22].

Jusqu’à présent, la plupart des exoplanètes détectées l’ont été de manière indirecte, en observant la perturbation induite par leur présence sur la position de leur étoile (méthode des vitesses radiales) et par la faible variation de luminosité de l’étoile lorsque la planète passe devant elle (méthode des transits)[23]. Grâce à de nouveaux observatoires astronomiques au sol et dans l’espace, il sera bientôt possible de voir directement des exoplanètes de type terrestre et de chercher dans la composition de leur atmosphère les signatures d’une possible activité biologique : le James Webb Space Telescope (NASA / ESA) lancé fin 2021 est opérationnel depuis mi 2022, alors que le European Extremely Large Telescope de l’ESO devrait être mis en service en 2027.

Le James Webb Space Telescope, vue d’artiste
(crédit : NASA)
Le European Extremely Large Telescope, vue d’artiste
(crédit : ESO)

Conclusion et perspectives

La recherche de la vie dans le système solaire est assez naturellement focalisée sur le cas de Mars. La question de l’apparition il y a bien longtemps d’une forme de vie martienne ou de ses prémices, et son éventuel maintien alors que l’environnement planétaire évoluait, devrait être résolue au cours des prochaines décennies par les nombreuses missions spatiales qui exploreront la planète rouge.

Par ailleurs, la découverte il y a moins de trente ans de l’existence de planètes extrasolaires a ouvert une nouvelle fenêtre sur l’univers, qui n’a cessé de s’élargir au fur et à mesure que nos outils d’observation devenaient plus performants. On pense aujourd’hui que la formation de planètes accompagne de façon très générale la naissance des étoiles. La présence dans l’univers proche de nombreuses planètes potentiellement habitables est avérée ; que des conditions favorables à l’émergence d’une forme de vie existent ailleurs que sur Terre semble dès lors plausible. Dans quelques décennies, nos observations devraient nous apporter des indices forts sur la réalité d’une vie extraterrestre, ainsi que sur sa rareté ou sa banalité.


[1] Pour ce qui concerne les virus, ils ne sont pas considérés comme vivants en ce sens qu’ils sont incapables de se reproduire seuls mais détournent la machinerie cellulaire de la cellule qu’ils infectent afin de se faire reproduire. Dans les années 30, Stanley a réussi à cristalliser le virus de la mosaïque du tabac. En 2002 une équipe américaine a pu produire un virus de poliomyélite parfaitement fonctionnel en mettant en présence un brin d’acide nucléique viral synthétisé en laboratoire et des protéines de l’enveloppe virale également synthétiques ; ces molécules de synthèse se sont spontanément organisées en structure virale. Pour certains chercheurs, les virus résultent d’une évolution parallèle à celle ayant conduit aux cellules véritables ; pour d’autres, ce sont des cellules dégénérées qui ont perdu leur capacité de reproduction et ne peuvent se reproduire qu’en parasitant les cellules véritables.

[2] La mort des vieilles étoiles s’accompagne de l’expulsion dans le milieu interstellaire des éléments chimiques que l’étoile a fabriqués pendant sa vie à travers une série de réactions de fusion nucléaire qui vont consommer son hydrogène ; ces éléments vont nourrir la physico-chimie du milieu interstellaire au sein duquel naîtront de futures générations d’étoiles.

[3] Par exemple le silicate de calcium CaSiO4 ; le silicium est au centre d’un tétraèdre SiO4 dont les atomes d’oxygène occupent les sommets.

[4] Les protistes ne constituent pas un groupe comme les animaux ou les plantes ou les champignons car contrairement à ceux-ci ils ne dérivent pas d’un ancêtre commun autre que celui commun à tous les eucaryotes ; c’est plutôt un terme fourre-tout qui rassemble divers groupes d’organismes eucaryotes unicellulaires.

[5] D’une part le jeune Soleil rayonnait dans l’ultraviolet beaucoup plus qu’aujourd’hui et d’autre part il n’y avait pas encore de couche d’ozone pour protéger la surface terrestre de ce rayonnement.

[6] Le traitement par le métabolisme des formes L et D est en général différent ; l’une des deux formes peut par exemple ne pas être assimilée par l’organisme, ou avoir une autre saveur, voire même être toxique.

[7] On appelle chondrites des météorites présentant au sein d’une matrice des microsphères de diamètre inférieur au millimètre appelées chondres. Ce sont les météorites les plus primitifs car provenant de corps non différenciés, c’est-à-dire dont les constituants ne se sont pas ségrégés du fait de leurs différences de densité. Ils sont constitués principalement de silicates. Comme leur nom l’indique, les chondrites carbonées contiennent également de la matière organique (de moins de 1% à quelques %).

[8] Les météorites sont des fragments de corps célestes éjectés dans l’espace par des collisions et que leur trajectoire a finalement transporté jusqu’à la Terre. Plusieurs missions spatiales récentes (OSIRIS-REX de la NASA, HAYABUSA 1 & 2 de la JAXA) avaient pour objectif de collecter des échantillons prélevés à la surface d’astéroïdes primitifs.

[9] La sonde ROSETTA a été lancée en mars 2004 vers la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko qu’elle a rencontrée en août 2014 et accompagnée pendant 2 ans jusqu’à la fin de mission en septembre 2016.

[10] ENANTIOMERIC EXCESSES INDUCED IN AMINO ACIDS BY ULTRAVIOLET CIRCULARLY POLARIZEDLIGHT IRRADIATION OF EXTRATERRESTRIAL ICE ANALOGS: A POSSIBLE SOURCE OF ASYMMETRY FOR PREBIOTIC CHEMISTRY, Paola Modica1, Cornelia Meinert, Pierre de Marcellus, Laurent Nahon, Uwe J. Meierhenrich, and Louis Le Sergeant d’Hendecourt, The Astrophysical Journal, 787:1 (2014)

[11] Que les plus anciens fossiles découverts d’eucaryotes unicellulaires soient postérieurs aux plus anciens fossiles découverts d’organismes pluricellulaires, donc vraisemblablement d’eucaryotes, montre simplement que les indices de vie très ancienne sont extrêmement rares. De fait le mouvement des plaques tectoniques a effacé la plupart des terrains les plus anciens et détruit les fossiles qu’ils pouvaient contenir. De plus ces organismes primitifs avaient un corps mou donc peu apte à la fossilisation.

[12] Le Grand Bombardement Tardif est une période de l’histoire du système solaire s’étendant approximativement de 4,1 à 3,9 milliards d’années avant le présent, durant laquelle se serait produite une augmentation très importante de chutes d’objets, astéroïdes ou comètes, sur les planètes du système solaire interne (Mercure, Vénus, Terre, Mars), en provenance des régions externes en raison de bouleversements survenus dans les orbites des planètes géantes.

[13] Le champ magnétique terrestre est engendré par les mouvements de convection dans la partie liquide du noyau métallique de la planète.

[14] Mars n’a que deux très petits satellites naturels, Phobos et Deimos, dont l’influence sur la rotation propre de Mars est négligeable. L’inclinaison sur le plan de l’orbite de l’axe de rotation propre de la planète varie énormément (entre 11° et 49°) et de façon chaotique sur des échelle de temps de plusieurs centaines de milliers ou millions d’années, ce qui a évidemment des effets importants sur le climat de la planète. L’axe de rotation de la Terre a une inclinaison quasiment constante de 23,4°.

[15] Science, vol. 307, no 5715 (Mars 2005)

[16] La disparition du champ magnétique global de Mars, peut-être dès -3,5 milliards d’années, a permis au vent solaire d’éroder l’atmosphère, dont la température et la pression au sol ont progressivement baissé, de sorte que l’eau liquide a cessé d’exister de façon permanente à la surface de la planète. A la même époque, Mars aurait connu une activité volcanique intense, qui aurait ensuite décru graduellement jusqu’à une période assez récente.

[17] Des réservoirs d’eau liquide chargée en sels dissous pourraient exister dans le sous-sol car la présence de ces sels abaisse la température de solidification ; on a d’ailleurs observé au point d’atterrissage de la sonde américaine Phoenix des gouttes d’eau liquide fortement salinisée en raison de la présence de perchlorates. Les ravinements récents et saisonniers observés sur les flancs de certains cratères pourraient être dus à des épanchements liquides provenant également du sous-sol mais selon d’autres études à des écoulements de matériau granulaire.

[18] Sur Terre on trouve par exemple du méthane piégé dans le sol gelé en permanence des régions polaires ; il peut être relâché lors d’un dégel.

[19] La pression partielle de l’azote sur Titan est de 1,5 bar.

[20] M. Mayor & D. Queloz, A Jupiter-Mass Companion to a Solar-Type Star, Nature, Volume 378, Issue 6555, pp. 355-359 (1995).

[21] La vapeur d’eau ainsi que le dioxyde de carbone contenus dans l’atmosphère terrestre entretiennent un effet de serre qui maintient la température moyenne en surface entre 10 et 20°C, sinon elle serait plutôt proche de -20°C . Vénus où l’effet de serre s’est emballé et dont toute l’eau a été vaporisée est aujourd’hui un désert brûlant sous une épaisse atmosphère de dioxyde de carbone. Comme on l’a vu, Mars a peut-être jadis connu des conditions propices au démarrage d’une évolution biologique.

[22] Par exemple, l’étoile Trappist-1 située à environ 40,5 années-lumière de la Terre, possède un système planétaire constitué d’au moins sept planètes rocheuses, de dimensions similaires ou inférieures à celle de la Terre (taille comprise entre 0,77 et 1,15 rayon terrestre et masse comprise entre 0,33 et 1,16 masse terrestre). Ce système a la particularité d’être très compact car toutes les planètes sont situées sur une orbite plus petite que celle de Mercure. Trois à six d’entre elles sont situées dans la zone habitable.

[23] Ces deux méthodes sont en fait complémentaires afin d’obtenir sans ambigüité les principaux paramètres de l’exoplanète : sa masse, son rayon, sa distance à l’étoile et sa période orbitale.