La formation des systèmes planétaires

Le système solaire

L’idée que les étoiles sont d’autres Soleils, qu’elles doivent donc être accompagnées de planètes, et même que celles-ci peuvent être habitées, n’est pas neuve. Elle avait notamment été explicitement formulée au tournant des XVIème et XVIIème siècles par Giordano Bruno. Jusqu’aux années 90 on supposait donc, sans les avoir encore détectés, que d’autres systèmes planétaires devaient bien exister autour d’autres étoiles que le Soleil.

Cependant, on ne connaissait alors qu’un seul système planétaire, notre système solaire. Pour mémoire, celui-ci comprend :
– près de l’étoile, 4 petites planètes telluriques ou rocheuses (Mercure, Vénus, la Terre, Mars) constituées principalement de roches (silicates) ; Mercure, proche du Soleil, n’a pas d’atmosphère ; l’atmosphère de Vénus, de la Terre, de Mars, dominée à l’origine par l’eau H20 sous forme de vapeur, le dioxyde de carbone CO2 et le diazote N2, a considérablement évolué depuis leur formation ; aujourd’hui seules les conditions terrestres permettent la présence durable d’eau liquide en surface ;
– loin de l’étoile, 2 planètes géantes glacées, Uranus et Neptune ; une atmosphère gazeuse d’hydrogène et d’hélium entoure un gros noyau fait principalement de glaces d’eau H20, d’ammoniac NH3 et de méthane CH4, et de roches ;
– entre les deux, 2 planètes géantes gazeuses, Jupiter et Saturne ; de faible densité, elles sont principalement constituées d’hydrogène, gazeux d’abord, puis fluide, enfin solide au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans l’intérieur de la planète, ainsi que d’hélium, entourant peut-être un noyau de roches et de glaces.

Les planètes géantes sont accompagnées d’un cortège de satellites, qui ressemblent à des systèmes planétaires en miniature, et d’anneaux. Ces satellites présentent une grande diversité de dimensions et de composition. Les anneaux sont faits de morceaux de roches et de glaces ; ceux de Saturne sont particulièrement spectaculaires.


Tailles comparées des planètes du système solaire (les distances au Soleil ne sont pas respectées)
(Crédit : CactiStaccingCrane – Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=117065928)



Les distances au Soleil des planètes du système solaire

Outre ces 8 planètes, le système solaire comprend aussi des résidus de sa formation :
– la ceinture principale d’astéroïdes, entre Mars et Jupiter, constituée de centaines de milliers d’objets rocheux dont la taille va du millimètre à quelques centaines de kilomètres, parmi lesquels une planète naine rocheuse (Cérès) ;
– au-delà de Neptune, la ceinture de Kuiper, constituée d’une multitude d’objets glacés parmi lesquels plusieurs planètes naines (Pluton, Hauméa, Makemake, Eris) ;
– enveloppant le système solaire entre 50 000 et 100 000 u.a. (1 unité astronomique, ou u.a., est la distance moyenne de la Terre au Soleil, soit 150 Millions de km), le nuage de Oort, immense réservoir de petits corps glacés ; de temps à autre, une perturbation gravitationnelle due par exemple à une étoile proche peut déstabiliser ce nuage et projeter une comète vers l’intérieur du système solaire.

(Crédit : NASA/JPL-Caltech)
(Crédit : Larousse Encyclopédie)

La formation des systèmes planétaires

En dépit de la grande diversité des objets du système solaire, on pensait que les systèmes exoplanétaires, c’est-à-dire les systèmes planétaires accompagnant d’autres étoiles que le Soleil, devaient plus ou moins ressembler à notre système solaire, et son exemple permettait d’élaborer un modèle plausible, qu’on supposait très général, de la formation des systèmes planétaires.

A l’origine d’une étoile et de ses planètes, il y a un nuage interstellaire très froid (sa température est de l’ordre de 10 K) et très peu dense (104 atomes/cm3), constitué principalement d’hydrogène moléculaire, d’hélium, et de poussières (1% environ). Ces poussières sont des micro-grains faits principalement de minéraux réfractaires, principalement des silicates et des composés ferreux, sur lesquels sont adsorbés sous forme de glaces des composants volatils (H2O, CH4, NH3, CO), ainsi que de nombreuses molécules organiques.

Image optique obtenue par le télescope spatial Hubble de la « Montagne Mystique », un nuage de matière interstellaire situé dans la Nébuleuse de la Carène, irradié de l’extérieur par un amas d’étoiles massives très chaudes. Aux pointes de ces « piliers », deux nouvelles étoiles viennent de se former qui éjectent des jets bipolaires de matière.
(Crédit : NASA/ESA/M. Livio & Hubble 20th Anniversary Team)

Ce nuage est déstabilisé par un événement cosmique proche, peut-être l’explosion d’une étoile en fin de vie, une supernova. Des fluctuations de densité au sein du nuage sont amplifiées sous l’effet des interactions gravitationnelles ; le nuage se contracte et sa densité augmente. En même temps l’énergie potentielle de gravitation se transforme en chaleur et la température augmente également. Après une croissance de plusieurs ordres de grandeur, la densité et la température au centre du nuage deviennent suffisantes pour permettre l’allumage de réactions de fusion nucléaire transformant l’hydrogène en hélium. On a alors une proto-étoile, au centre d’un disque de gaz et de poussières. Plusieurs étoiles peuvent être formées en même temps au sein d’un même nuage interstellaire.

Image de la jeune étoile en formation HL Tauri et de son disque obtenue par le réseau d’antennes ALMA
(Crédit : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO)/CC BY 4.0)

En raison de la température élevée au voisinage de la proto-étoile, les composés réfractaires du disque sont plus abondants près de l’étoile, et les composés volatils, sous forme de glaces, à grande distance de celle-ci.

Les grains de matière, initialement de moins d’un micron, s’agrègent et grossissent de plusieurs ordres de grandeur, devenant des objets de taille métrique puis kilométrique, les planétésimaux. Ceux-ci s’entrechoquent et fusionnent pour former des embryons de planètes. Cette étape s’étend sur quelques millions d’années ; les simulations numériques de ces processus sont extrêmement difficiles.

A proximité de l’étoile, à une distance inférieure à 0,1 u.a., la matière du disque est complètement soufflée par le vent stellaire, un flux de particules, électrons et protons, éjectées de l’étoile.

(Crédit : Observatoire de Paris)

Les planètes en formation creusent des sillons dans le disque et le vident au fur et à mesure qu’elles grossissent en accrétant la matière du disque.

Vue d’artiste d’un disque entourant une jeune étoile. On y voit l’étoile brillante au centre et des planètes nouvellement formées qui se déplacent autour en captant la poussière et le gaz, créant ainsi des sillons sur leur chemin.
(Crédit : National Science Foundation, A. Kahn)

Finalement, en s’éloignant de l’étoile, on trouve d’abord des petites planètes telluriques, qui, du fait de leur faible masse et de l’action du vent stellaire, n’ont pas pu retenir une atmosphère du gaz du disque proto-planétaire, essentiellement de l’hydrogène et de l’hélium.

En trouve ensuite les planètes géantes. La matière disponible dans le disque protoplanétaire étant plus abondante loin de l’étoile, elles ont pu former un gros noyau de roches et de glaces, qui a retenu par attraction gravitationnelle une atmosphère du gaz originel.

On pensait jusqu’à une période récente que toutes les planètes géantes se formaient de cette manière par accrétion de gaz du disque protoplanétaire autour d’un noyau de roches et de glaces. On pense maintenant que les géantes gazeuses comme Jupiter et Saturne peuvent se former très tôt dans le disque de gaz et de poussières qui entoure la proto-étoile, avant la formation des planètes telluriques, à partir de fluctuations de densité croissant par gravitation, à la manière des étoiles mais à une échelle réduite. Il y a alors de fait continuité entre ces géantes gazeuses et les « naines brunes », des étoiles dont la température de cœur est insuffisante pour allumer les réactions de fusion nucléaire de l’hydrogène.

Cette image de la jeune étoile V960 Mon et de la poussière qui l’entoure a été obtenue avec Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array). De grands nuages de poussière de masse comparable à celle des planètes sont visibles ici sous la forme de taches bleues. Ces nuages pourraient se contracter et s’effondrer par instabilité gravitationnelle pour former des planètes géantes de la taille de Jupiter.
(Crédit : ESO/NAOJ/NRAO/Weber et al.)

Les datations des plus anciens objets du système solaire, par la mesure de la désintégration d’isotopes radioactifs d’éléments présents dans des météorites collectées sur Terre, lui donnent un âge de 4,6 Milliards d’années. La phase d’accrétion aurait duré moins de cent Millions d’années.

Où l’on détecte des exoplanètes

En 1995 un coup de tonnerre retentit avec la découverte de la première exoplanète, ou planète extra solaire, par M. Mayor et D. Queloz à l’Observatoire de Haute Provence autour d’une étoile appelée 51 Pegasi, une étoile de type naine jaune comme le Soleil et de masse proche de la masse du Soleil, située à 51 années-lumières de la Terre (1 année-lumière vaut environ 1013 km).


D. Queloz et M. Mayor à la réception du prix Nobel de physique en 2019

Problème : cette première exoplanète, baptisée 51 Pegasi b, ne rentre pas dans le scénario admis jusqu’alors pour la formation des systèmes planétaires. En effet 51 Pegasi b est une planète très massive de type géante gazeuse, très proche de l’étoile, dont elle fait le tour en 4 jours, ce qu’on a appelé un « Jupiter chaud ».

Les découvertes de nouvelles exoplanètes se sont ensuite rapidement multipliées mais ces premières exoplanètes, également de type « Jupiter chauds », étaient très différentes des planètes de notre système solaire

Il y avait en fait un biais expérimental dû à la technique de détection, la « méthode des vitesses radiales ».

Etoile et planète tournent autour de leur centre de gravité commun mais l’étoile étant beaucoup plus massive que la planète, le centre de gravité du couple est très proche du centre de l’étoile.
On mesure par effet Doppler la variation de la vitesse de déplacement de l’étoile causée par la présence d’une planète : quand l’étoile s’éloigne de l’observateur, le spectre de sa lumière est décalé vers des fréquences plus basses (vers le rouge) ; quand l’étoile se rapproche de l’observateur, le spectre de sa lumière est décalé vers des fréquences plus hautes (vers le bleu).

La méthode des vitesses radiales donne :
la période de révolution de l’exoplanète autour de son étoile par la période des variations de la vitesse de l’étoile,
une information sur l’excentricité de l’orbite (si l’orbite circulaire, le signal est alors une sinusoïde),
une limite inférieure de la masse de l’exoplanète ; en effet, si le plan de l’orbite de la planète est incliné d’un angle i avec la ligne de visée depuis la Terre, on mesure non pas la masse M de l’étoile mais la quantité Mxsin(i).

Courbe des vitesses de 51 Pegasi b
(crédit : M. Mayor et D. Queloz)

Une autre méthode de détection est la « méthode des transits».

Lorsque la planète passe devant l’étoile, la luminosité de celle-ci baisse légèrement. Cette méthode nécessite une grande stabilité des conditions d’observation pendant de longues durées ; c’est la technique utilisée par les télescopes spatiaux Corot, Kepler, Cheops, Tess, dont les observations sont affranchies des perturbations dues à l’atmosphère terrestre.
La méthode des transits permet de mesurer le diamètre de la planète via la baisse de l’intensité du signal et sa période de révolution via la période des baisses d’intensité, ainsi que l’angle d’inclinaison de son orbite par rapport à la ligne de visée depuis la Terre.

Ces deux techniques (vitesses radiales et transits) fournissent des informations complémentaires ; en les combinant on peut accéder à un ensemble de paramètres de la planète : la masse de l’objet, son diamètre, le grand-axe de l’orbite et son excentricité, la période de révolution autour de l’étoile.
On en déduit sa densité : s’agit-il d’une planète tellurique ? d’une géante gazeuse ? d’une géante glacée ? d’une planète océan, un type prédit par certains modèles ?

A la date du 2 Mars 2022, on avait 4980 exoplanètes confirmées dans 3670 systèmes planétaires, dont 813 systèmes abritant plus d’une planète.

Aujourd’hui plus de 5000 exoplanètes ont été découvertes. Cependant les systèmes exoplanétaires détectés à ce jour ne ressemblent pas en général au système solaire : outre les Jupiter chauds, certaines exoplanètes ont des orbites très excentriques, ou très inclinées par rapport à un plan moyen dans des systèmes multiples, alors que dans le système solaire, les orbites des planètes sont quasi circulaires, et très peu inclinées par rapport au plan de l’équateur solaire. Nous verrons que notre système solaire est en fait très particulier. Comment expliquer ces différences ?


Crédit : M. Ollivier, IAS

Exemple d’un système complexe : 55 Cancri A.

55 Cancri A est une étoile de type solaire ; elle possède 2 planètes géantes (b et d), 2 sous-géantes (c et f), 1 « super-Terre » (e)

Le phénomène de migration et l’existence des « Jupiter chauds »

Un phénomène qui avait été prédit théoriquement auparavant a été confirmé de façon spectaculaire par la découverte des « Jupiter chauds » : la migration des planètes géantes.
Celles-ci se forment loin de l’étoile, comme dans le modèle traditionnel, mais elles sont freinées par le disque de gaz et de poussières avec lequel elles interagissent par gravitation. Elles spiralent alors lentement dans le disque vers l’étoile centrale en absorbant tout sur leur passage. En s’approchant de l’étoile, les géantes gazeuses deviennent des ainsi « Jupiter chauds ». Elles perdent de la matière sous l’effet de la température élevée et du vent stellaire ; ce phénomène d’évaporation des Jupiter chauds a bien été observé. La migration s’arrête lorsque la planète atteint le bord intérieur du disque protoplanétaire.

La question qui surgit aussitôt est celle-ci : qu’en est-il du système solaire ? Jupiter a-t-il migré vers le Soleil ? Et Saturne ? Pourquoi ces deux planètes se trouvent-elles aujourd’hui loin du Soleil ? Si elles ont migré, quel mécanisme a-t-il perturbé leur migration ?

La réponse est qu’on a justement affaire à deux planètes géantes gazeuses, et non une seule. Les simulations numériques montrent en effet que si deux géantes existent dans le système planétaire leur interaction mutuelle ainsi qu’avec le disque peut provoquer un phénomène de migration vers l’extérieur du système.

[Remarque : La modélisation numérique de la formation et de l’évolution d’un système planétaire est très difficile. Des modifications mineures des conditions initiales peuvent conduire à des situations complètement différentes. En fait l’évolution dynamique d’un système de plus de 3 corps sous l’effet de leurs interactions gravitationnelles est de type chaotique. Sur de très grandes échelles de temps, le système solaire lui-même est instable. Lors de la formation du système solaire, des proto-planètes ont pu être éjectées du système, devenant des planètes errantes, comme on en a découvert. Certaines simulations prédisent dans un futur lointain une collision entre la Terre et Vénus.]

Le système solaire interne : l’hypothèse du « grand virage de bord » (« Grand Tack »)

Selon l’hypothèse du “grand virage de bord” (Walsh et al., 2011), Jupiter, la première formée des deux géantes gazeuses, s’est formée à une distance d’environ 3,5 u.a. du Soleil, et a entrepris une migration vers l’intérieur du système solaire. Saturne, formée ensuite à plus grande distance du Soleil (vers 6 u.a.) et moins massive, a entrepris à son tour de migrer. La migration de Jupiter s’est arrêtée à une distance d’environ 1,5 u.a., la position actuelle de Mars, quand s’est produite ce qu’on appelle une « résonance » : Jupiter effectuait alors 3 révolutions autour du Soleil quand Saturne en effectuait 2 (« résonance 3 :2 »). Les effets combinés des interactions entre le Soleil, les 2 géantes et le disque provoquèrent alors le « grand virage de bord » : les 2 planètes géantes arrêtèrent de spiraler vers l’intérieur du système solaire et se mirent à spiraler lentement vers l’extérieur. Cette migration vers l’extérieur s’est poursuivie jusqu’à l’épuisement de la matière du disque ; Jupiter s’est arrêté près de sa position présente à 5,2 u.a. et Saturne vers 7 u.a. (il se trouve aujourd’hui vers 9,5 u.a.). Cet épisode se serait produit au cours des premiers millions d’années du système solaire après la phase d’accrétion initiale des planètes géantes et avant la formation des planètes telluriques.


Le scénario du Grand Tack
(Crédit : K. Walsh, Southwest Research Institute, Boulder, Colorado)

A priori, la présence d’une planète géante gazeuse autour d’une étoile de type solaire contrarie la formation de planètes telluriques habitables puisque sa migration vers l’intérieur du disque protoplanétaire vide le disque de sa matière. C’est ainsi qu’on explique qu’en nettoyant l’espace au cours de sa migration Jupiter a empêché Mars de grossir. Mais en interrompant la migration de Jupiter, le grand virage de bord a permis aux planètes telluriques, dont la Terre, de ne pas disparaître.

L’hypothèse du grand bombardement tardif

Dans les premiers temps du système solaire, les proto-planètes étaient sans cesse bombardées par des corps de tailles diverses ; il est ainsi admis que c’est la collision de la proto-Terre avec un corps de la taille de Mars qui aurait engendré la Lune. Ce bombardement s’est progressivement ralenti.

Le Grand Bombardement Tardif est un cataclysme qui serait intervenu entre -4,1 et -3,9 Milliards d’années, durant lequel se serait produit un regain d’intensité du bombardement des planètes telluriques par des astéroïdes et/ou des comètes. Ce phénomène suppose qu’il y avait un réservoir important de petits corps stable pendant environ 500 Millions d’années, et devenu brusquement instable, ce qui n’est possible que s’il y a eu un changement majeur dans les orbites des planètes géantes.

L’hypothèse du Grand Bombardement Tardif est issu de la datation des échantillons lunaires rapportés par les missions américaines Apollo et recueillis sur les sites d’atterrissage. Ces sites sont tous situés sur la surface de mers lunaires, qui sont de vastes plaines formées à la suite d’impacts géants de météorites ayant provoqué des épanchements de magma.

Or plus une surface planétaire est cratérisée, plus elle est ancienne. Si on peut dater des échantillons de roches prélevés sur une surface planétaire, on peut, en comptant les cratères de cette surface, estimer en fonction du temps le taux d’impacts météoritiques qu’elle a subis.

En s’appuyant sur la datation des échantillons lunaires ce taux semble avoir décru lentement depuis l’origine du système solaire, puis connu un pic vers -4 Milliards d’années soit 500 Millions d’années après la formation du système solaire, avant de décroître à nouveau.

[Mercure et Mars présentent également une surface très cratérisée, alors que sur Terre, l’érosion et la tectonique des plaques ont effacé les traces des impacts, et que la surface de Vénus a été remodelée récemment par des phénomènes volcaniques. A partir du comptage du taux de cratères, qu’on peut comparer à celui de la Lune, on peut estimer l’âge de la surface ; la formation du bassin d’Hellas sur Mars et du bassin Caloris sur Mercure seraient dus à ce Grand Bombardement Tardif.]

Une conséquence du Grand Bombardement Tardif est l’apport d’une grande quantité d’eau et de matière organique aux planètes telluriques.


Datation des roches lunaires
(Crédit : A. Morbidelli, Observatoire de la Côte d’Azur)

Le système solaire externe : le « modèle de Nice », ou « Nice model »

Ce modèle (Morbidelli et al., 2007) suppose qu’Uranus et Neptune se sont formées après Jupiter et Saturne, à des positions bien plus proches du Soleil que leurs positions présentes à 19,2 et 30,1 u.a. respectivement. Il suppose aussi l’existence alors dans le système solaire extérieur d’un grand réservoir de planétésimaux formant un anneau au-delà des orbites des planètes géantes.

Cet épisode se serait passé environ 500 Millions d’années après le « Grand virage de bord ». Pendant la phase calme qui a suivi cet événement les interactions entre Saturne, Uranus, Neptune et l’anneau extérieur de planétésimaux auraient provoqué une lente migration des 3 planètes vers l’extérieur. A un moment Jupiter et Saturne se seraient à nouveau trouvés en résonance, cette fois-ci la résonance 2 :1, c’est-à-dire que Jupiter faisait deux tours quand Saturne en effectuait un seul.

Cette résonance aurait déstabilisé dramatiquement le système solaire externe. D’une part elle aurait chamboulé les orbites d‘Uranus et Neptune, qui auraient été repoussées vers l’extérieur en échangeant leurs positions. D’autre part elle aurait chamboulé également l’anneau de planétésimaux, dont une partie aurait été rejetée vers l’extérieur, donnant naissance à l’actuelle ceinture de Kuiper, et une autre partie rejetée vers l’intérieur, causant le Grand Bombardement Tardif des planètes telluriques.

L’animation ci-dessous montre une simulation numérique de l’évolution possible du système solaire externe selon le modèle de Nice (Crédit : Hal Levison, SouthWest Research Institute) .
Les ellipses rouge, jaune, bleue et violette indiquent les orbites de Jupiter, Saturne, Neptune et Uranus respectivement. La ligne pointillée jaune montre la résonance 2:1 entre Jupiter et Saturne. Les points verts indiquent la position des petits corps initialement au-delà des orbites des planètes géantes.

Les instantanés ci-dessous (de gauche à droite et de haut en bas) montrent 10 moments de l’évolution du système :

  • 1, 2, 3, 4 : la configuration avant la résonance 2:1 de Jupiter et Saturne,
  • 5, 6 : le déplacement de Neptune au-delà d’Uranus,
  • 7, 8, 9, 10 : la configuration après la dispersion des objets de la ceinture de Kuiper.

En résumé, selon le modèle de Nice l’évolution du système solaire aurait connu 4 phases :

  1. Une phase d’accrétion planétaire (-4,6 à -4,5 Milliards d’années)
    • formation des géantes gazeuses,
    • formation des géantes glacées,
    • formation des planètes telluriques.
  2. Une phase calme de 500 Millions d’années environ
    • les planètes géantes sont sur des orbites différentes des orbites actuelles,
    • il existe un disque très massif (30 à 50 fois la masse de la Terre) de petits corps orbitant au-delà d’Uranus et Neptune.
  3. Un événement cataclysmique vers -4 Milliards d’années
    • déplacement des orbites des planètes géantes,
    • Grand Bombardement Tardif,
    • formation de la ceinture principale d’astéroïdes et de la ceinture de Kuiper.
  4. La phase actuelle.

Est-ce la fin de l’histoire ?

Le modèle de Nice explique bien le Grand Bombardement Tardif ainsi que la formation de la ceinture principale d’astéroïdes et de la ceinture de Kuiper. Mais y a-t-il vraiment eu un Grand Bombardement Tardif ? Une étude récente portant sur Vesta, un des plus gros astéroïdes de la ceinture principale, remet en cause l’hypothèse du Grand Bombardement Tardif. Certaines météorites recueillies sur Terre et qu’on pense provenir de Vesta portent bien les marques de violentes collisions survenues il y a plusieurs milliards d’années mais leur datation ne montre pas d’accroissement de la fréquence des impacts à l’époque présumée du Grand Bombardement Tardif. Selon cette étude, il n’y aurait pas eu de longue phase calme après la phase d’accrétion ni de regain de la fréquence des impacts entre -4,1 et -3,9 Milliards d’années. Il y aurait bien eu une espèce de jeu de billard planétaire au début de l’histoire du système solaire mais la fréquence des collisions aurait progressivement et continument diminué.

A suivre donc …

Je remercie Thérèse Encrenaz, de l’Observatoire de Paris pour ses remarques. Cet article est la version rédigée d’une conférence donnée le 13/10/2023 à Pornichet dans le cadre de l’association Grain de Ciel.